On aurait pu faire autrement
Au lieu d’une gestion idéologique de la pandémie, on pourrait adapter la politique sanitaire à la société
La gestion politique de la pandémie par le gouvernement de la Coalition Avenir Québec s’est révélée un cuisant échec en matière de santé publique. Alors que le Québec s’enfonce dans les mesures liberticides en étendant le passeport vaccinal aux magasins à grande surface et en mettant de l’avant une taxe sur le statut vaccinal, il appert que l’avenue empruntée par la Suède a été supérieure à celle du reste du monde, tant d’un point de vue politique, économique que juridique.
Après avoir levé la majorité des mesures restrictives à l’automne, la Suède a resserré le contrôle sanitaire en imposant le passeport vaccinal en décembre dernier. Un passeport qui, disons-le, n’a rien à voir avec celui imposé au Québec. Il n’est même pas requis pour la fréquentation des restaurants et devient obligatoire pour les événements de plus de 100 personnes uniquement. Tout au long de la crise sanitaire, ce pays scandinave n’a ni fermé les restaurants et les commerces ni les gymnases et les écoles primaires. De surcroît, il n’a jamais obligé le port du masque ni confiné sa population.
La Suède a ainsi préservé l’état du tissu social, en ne brimant pas à outrance les libertés individuelles des citoyens et en évitant d’affaiblir inutilement son économie.
Par un contrôle de la pandémie de SRAS-CoV-2 avec des recommandations sanitaires qui ont évolué progressivement et qui sont restées modérées, la Suède fait preuve d’une socio-technique fragmentaire (piecemeal social engineering). Cette approche décrite par l’éminent philosophe des sciences Karl Popper, dans son livre Misère de l’historicisme, consiste à prendre des décisions politiques en vue de réaliser un objectif donné « par des ajustements et des réajustements limités ». À propos du socio-technologue fragmentaire, Popper a écrit :
Il fera son chemin pas à pas, en comparant soigneusement les résultats attendus et les résultats obtenus, et toujours à l’affût des conséquences non voulues de toute réforme ; il évitera d’entreprendre des réformes d’une complexité et d’une envergure telles qu’il lui serait impossible de débrouiller les causes et les effets, et de savoir ce qu’il est effectivement en train de faire.
À l’opposé de la technique fragmentaire se situe la socio-technique dite totaliste ou utopique. Toujours selon Popper, elle « tend à remanier la "société globale" selon un plan ou une "maquette" déterminés [qui vise] à saisir "les positions clés" et à étendre "le pouvoir de l’État […] jusqu’à ce que l’État s’identifie presque à la société" ». La technique totaliste est souvent dépouillée de circonspection et d’autocritique, provoquant des changements globaux aux répercussions involontaires et inattendues.
Les décrets adoptés pour confiner la population, pour fermer les commerces et les centres sportifs, pour renvoyer les élèves et les étudiants à la maison devant leurs écrans, pour imposer des couvre-feux, pour obliger le port du masque dans les lieux publics et pour susciter la vaccination par l’entremise de la détention d’un passeport vaccinal afin d’accéder aux commerces; tout cela reflète une approche socio-technique totaliste, lorsqu’on les considère dans leur ensemble, à même un creuset législatif décrété sur une courte période.
« La différence entre la technique utopique/[totaliste et la technique fragmentaire se révèle […] être une différence qui réside moins dans l’échelle ou le champ d’action que dans la prudence et la préparation aux surprises inévitables », écrit Karl Popper.
Karl Popper (1902-1994)
Les changements sociaux survenus pendant la pandémie découlent de décisions politiques qui comprennent justement leur lot de « surprises inévitables ».
Il importe de souligner que la technique fragmentaire s’associe bien avec le libéralisme politique puisqu’elle respecte les droits et libertés en légiférant de manière précautionneuse.
La technique totaliste ou utopique, par contre, s’avère le propre de régimes hautement marqués par l’idéologie et le contrôle. Selon Popper, ces régimes substituent « à l’exigence de construire une société nouvelle, bonne pour que les hommes et les femmes y vivent, l’exigence de "façonner" ces hommes et ces femmes de manière qu’ils s’adaptent à [cette] société nouvelle ».
Combien de personnes se sont justement adaptées à cette société nouvelle en travaillant de la maison, en portant un masque dans les lieux publics, en présentant un passeport pour accéder aux cafés, aux restaurants et aux salles de spectacle lorsque ceux-ci sont ouverts ? La réponse est un truisme : une forte majorité!
Ici comme ailleurs, la modification totaliste du social sur la base d’une idéologie sanitaire s’exécute bel et bien depuis presque deux ans. Certains rétorqueront que c’était un mal nécessaire, qu’il fallait agir de la sorte pour éviter les décès liés à la COVID-19. Rien n’est moins sûr.
Décès et surmortalité : quand le gouvernement change son fusil d’épaule
Alors que le gouvernement Legault a rabâché les oreilles des Québécois avec le nombre de cas, d’hospitalisations et de décès liés à la COVID-19 pour justifier l’imposition des mesures sanitaires au courant de l’année 2021, il tente désormais d’en minimiser les impacts, du moins pour les décès, en utilisant la notion de surmortalité depuis la mi-janvier 2022. Ce changement de cap n’est certainement pas indifférent aux critiques formulées par la cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade, qui lui reproche d’avoir des taux de décès « comparables à ce que l’on voit en l’Italie, en France et aux États-Unis ». Le tout malgré le caractère draconien des mesures sanitaires au Québec et des taux élevés de vaccination.
Le gouvernement Legault fait face à un dilemme cornélien, ou en bon français un « catch 22 ». S’il n’admet pas l’analyse en matière de surmortalité, le gouvernement doit composer avec les critiques de la cheffe de l’opposition, pour lesquelles il n’y a pas vraiment de bonnes réponses. S’il admet que la surmortalité est un meilleur indicateur, cela revient à affirmer que les justifications avancées pour imposer les mesures sanitaires étaient fondées sur des chiffres gonflés et que la pandémie n’avait pas réellement l’ampleur, en matière de décès, que ce que l’on a tenté de nous faire croire depuis bientôt deux ans.
Selon une analyse récente portant sur les 20 premiers mois de la pandémie, il y a eu entre 1 600 et 4 250 décès supplémentaires environ au Québec (soit entre 1,4 et 3,7% de surmortalité), des chiffres fortement éloignés des 11 600 décès qui ont été officiellement attribués à la COVID-19 pour la même période.
En fait, en 2021, les décès attribuables à la COVID sont marginaux. L’épidémie qu’affronte la société se fonde, en somme, sur un nombre élevé de cas positifs au virus SRAS-CoV-2, qui n’entraîne pas toujours une maladie symptômatique ou grave.
Certains rétorqueront que c’est grâce aux mesures draconiennes que la surmortalité est si faible. Pas du tout! Il a été démontré dans ce substack que la mortalité en Suède, un pays qui possède des attributs semblables au Québec (avec une population de 10,3 M d’habitants et un climat nordique comme le nôtre), était similaire à celle enregistrée ici depuis le début de la pandémie.
Or, la Suède, elle, a laissé vivre sa population et n’a pas créé un environnement social anxiogène et liberticide. Elle n’a pas employé l’expédient bancal des confinements, qui au dire de l’épidémiologiste en chef de la Suède, Anders Tegnell, « ne fait que sauver du temps, [mais] ne résout rien ». Elle n’a pas masqué les enfants dans les écoles primaires et encore moins imposé de couvre-feux. Il importe de souligner à gros traits que cette approche n’a pas résulté en une incroyable hécatombe comme cela avait été prédit.
Lorsqu’on compare le Québec et la Suède, il apparaît que les mesures sanitaires restrictives imposées par le gouvernement de la CAQ n’ont pas eu l’effet escompté sur la réduction de la mortalité, mais qu’elles ont plutôt contribué à détruire le tissu social; un effet corollaire d’une socio-technique totaliste bien mal avisée.
La protection focalisée comme voie de sortie
Le 4 octobre 2020 trois experts de réputation mondiale, le Dr. Martin Kulldorff, professeur de médecine à l’Université Harvard, la Dr. Sunetra Gupta, professeure d’épidémiologie théorique de l’Université Oxford, et le Dr. Jay Bhattacharya, professeur à la faculté de médecine de l’Université Stanford avançaient le concept de protection focalisée, dans la désormais célèbre Déclaration de Great Barrington.
Dr. Martin Kulldorff, Dr. Sunetra Gupta, Dr. Jay Bhattacharya
Le concept consiste en l’instauration d’une stratégie de protection à géométrie variable en fonction du risque encouru par différentes catégories de la population. De ce fait, nul besoin d’imposer le confinement ou le passeport vaccinal, mais simplement de minimiser les risques d’infection pour les plus vulnérables de la société, soit les personnes âgées, les handicapés et les personnes avec comorbidité. Par exemple, les auteurs suggèrent qu’uniquement le personnel des foyers de personnes âgées qui ont acquis l’immunité puisse y travailler, ou encore que les personnes retraitées se fassent livrer leurs courses à domicile, le but étant de minimiser les contacts. Pourquoi agir ainsi ?
Parce que « les politiques […] de confinement produisent des effets désastreux sur la santé publique à court, moyen et long terme », écrivent les auteurs. Un phénomène qui a été démontré dans le premier volet de cette série d’articles.
D’un point de vue politique, les avantages de la protection focalisée résident dans sa capacité d’ajustement et la prévisibilité des effets des règles qui modifient la vie en société (sociotechnique fragmentaire). Une démarche que Popper qualifierait de scientifique.
Après bientôt deux ans, il s’avère plus que temps de revoir le cadre de gestion politique de cette pandémie. Les principes évoqués dans la Déclaration de Great Barrington permettraient de mettre de l’avant des mesures respectueuses de la vie en société et plus faciles à évaluer qu’un « panier de mesures » qui n’ont de sanitaires que le qualificatif.
La fermeture des lieux de socialisation risque en effet d’aller de pair avec la fermeture des esprits, ce qui s’avère extrêmement toxique dans une démocratie. La société ouverte doit redevenir le paradigme normal de la vie courante. Les humains sont comme les idées, ils doivent pouvoir circuler librement.
Julien Garon-Carrier, M.A. en science politique
Il faut qu'ils arrêtent ce délire sanitaire maintenant ! Des mesures liberticides, pour un virus qui n'a jamais été très létal et tant mieux ! Le pic de l'épidémie s'est produit en 2020 car les humains n'avaient jamais été en contact avec celui-ci. Il est devenu aussi "méchant" que celui de la grippe...Toutes ces mesures drastique, c'est comme prendre un marteau pour tuer une fourmi...
Insensé et ridicule